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         Mais l’autre richesse de ses éventaires réside dans les produits artisanaux indiens : poteries, instruments de musique (dont le charango, petite guitare joyeuse et sonore), poupées de chiffons pour les enfants et aussi les touristes, mais surtout tissages, vêtements et lainages qui ont fait la réputation de TARABUCO dans toute la BOLIVIE. Leurs vendeurs sont fiers d’expliquer que les tisserand(e)s de la région travaillent en ateliers, eux-mêmes regroupés parfois en associations paysannes communautaires régulièrement présentes au marché. Depuis quelques années, ce système a permis de lancer, concrétiser et valoriser un authentique programme de renaissance des textiles traditionnels. La production étant vendue par le biais d’un fonds commun de commercialisation, la population indienne se retrouve ainsi, du début à la fin et à juste titre, la seule bénéficiaire du processus complet.

Copyright Jean-Marie Escoffier - Tous droits réservés


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         Les textiles de TARABUCO, à la différence de leurs «concurrents» de JALQ’A, plus obscurs et relevant du monde de l’imaginaire, représentent toujours un univers lumineux, ordonné, symétrique. Les animaux y sont reconnaissables et les représentations d’activités ou de rituels bien détaillées. Si les figures humaines et animales appartiennent bien au réel, elles peuvent néanmoins être particulièrement stylisées.

         Les stands proposant ces textiles se trouvent principalement regroupés autour de la place centrale du village.

         Incontournable place centrale, avec son modeste square en étoile. Elle joue un rôle primordial dans l’activité du marché : c’est là en effet que se tiennent et convergent tous les rassemblements préalables, concomitants et postérieurs au déroulement du marché lui-même.

         Rassemblement des véhicules, pour le déchargement-rechargement des hommes et des sacs de marchandises. Rassemblement des fidèles devant la haute église blanche du village. Rassemblement des prédicateurs politiques devant la mairie avec leurs porte-voix et leurs banderoles, qui tentent de rallier l’auditoire exclusivement masculin à la cause de leur parti ou de leur syndicat. Rassemblement des hommes et des femmes qui cherchent une pause dans l’agitation ambiante ; soit via une conversation de retrouvailles intra- ou inter-communautaires autour de la fontaine ou de la statue du héros indien local (symbole de la bataille de JUMBATE gagnée contre les Espagnols), soit via l’observation détachée, depuis les bancs publics, du spectacle animé et bigarré de cette ruche humaine qu’est le village à ces heures, soit enfin, via l’achat d’alléchantes glaces à l’eau offertes en cadeau dominical aux enfants.

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         Et puis, rançon moderne des rassemblements authentiques qui attirent de nos jours de plus en plus de curieux et de touristes, la place offre aussi quelques lieux de restauration. S’ils restent financièrement inaccessibles au commun des indiens, ils contribuent néanmoins au développement économique de quelques familles.


         En quittant la place, on se doit de s’engouffrer dans les vieilles rues pavées dans lesquelles se trouvent la grande majorité des stands et des marchands ambulants. Terriblement encombrées, elles sont synonymes d’empressement, de frénésie, voire de bousculades. Mais, reflet de la culture indienne empreinte de retenue et d’un sens aigu de la collectivité, cette hyper-activité avec son lot de désagréments s’exprime dans un surprenant silence. Pas d’irritations ni vociférations, ni haussements de ton d’aucune sorte.

         La topographie du village-marché mène enfin à de grandes cours fermées rectangulaires. Les porches étroits qui leur servent d’accès sont autant d’abris discrets pour les chamanes (sorciers-guérisseurs locaux) qui proposent de protéger les passants en les purifiant. Ces cours sont le principal théâtre olfactif des odeurs et senteurs entremêlées émanant des fruits, légumes, épices et viandes exposés. Mais elles offrent également une explosion visuelle de coloris nuancés, où les produits côtoient les habits comme pour apprendre aux enfants à bien nommer les couleurs.
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         Le long de leurs galeries latérales se réalisent verbalement les affaires de troc. Tout comme les rites chamaniques à l’entrée, chaque négociation se déroule en secret, à l’écart. Les échanges s’opèrent donc à l’abri des écoutes et regards indiscrets ; tout doit toujours rester feutré. L’exubérance, on l’aura compris, peut se trouver dans le chatoiement des tissus et des vêtements, mais en aucun cas dans le comportement des hommes.

         Par ailleurs, à la différence des marchés occidentaux notamment, il y a rarement parmi la population présente à TARABUCO de séparation nette entre les vendeurs d’un côté et les clients de l’autre ; organisé tactiquement en couples, familles ou clans, ici tout le monde vend et achète, et se trouve tour à tour dans l’une ou l’autre des situations. D’où une droiture et un respect mutuels qui président aux échanges et aux transactions.

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