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           A côté des édifices déjà décrits qui, par leurs dimensions, sont les plus importants, on trouve aussi à TEOTIHUACAN d'autres temples ou palais qui nous donnent aujourd'hui une idée de la vie fastueuse que menait l'élite politico-religieuse. De nombreuses peintures qui y ont été découvertes font revivre notamment des processions de prêtres riches d'apparat, ou représentent ici et là des divinités ou des animaux allégoriques peints en rouge, vert, bleu et jaune. Elles renseignent encore, en un style extrêmement vif, sur certaines activités quotidiennes de ces époques comme par exemple la confection de galettes de maïs.

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Jaguar empanaché (fresque d'un palais)

         Mais si l'on peut considérer les palais et temples de TEOTIHUACAN comme faisant partie intégrante du centre cérémoniel en raison des thèmes religieux évoqués sur leurs murs ou dans leurs sols, il ne faut pas oublier que l'on trouve aussi entre eux, et à des kilomètres à la ronde, les vestiges de quartiers entiers de demeures et maisons plus modestes, serrées les unes contre les autres au sein d'un complexe réseau de rues et ruelles. Ces habitations étaient vraisemblablement celles du foisonnant peuple de TEOTIHUACAN : agriculteurs, commerçants, ouvriers, artisans, gardes, serviteurs, bref hommes et femmes dont les activités bénéficiaient chaque jour directement à la cité sacrée et lui permettaient tout simplement de vivre.

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Vestiges de palais et habitations annexes le long de l'allée des Morts (vue depuis la pyramide du Soleil)



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Activités quotidiennes des anciennes civilisations (fresque de Diego RIVERA - Palais National - MEXICO)


         Parmi ces activités, la sculpture avait atteint un haut niveau de perfection. Elle permit entre autres de produire un grand nombre de masques funéraires caractéristiques en pierres diverses : albâtre, calcédoine, serpentine, diorite, jade, obsidienne, turquoise, quartz, grenat, tous remarquables par leur physionomie distincte et leur force d'expression. Ces masques étaient en général fixés aux paquets contenant les morts de haut rang. Mais les Téotihuacans étaient aussi des peintres d'une grande habileté qui excellaient dans l'art de la fresque et celui de la céramique ; les motifs que l'on trouve le plus souvent représentés sur les poteries sont des coquillages, des panaches de plumes et des volutes souvent associées à l'image de Tlaloc.

         Ainsi, comme l'écrit Jacques Soustelle dans son livre-référence "L'ART DU MEXIQUE ANCIEN" : "Le Mexique commence à être, dès avant notre ère, le théâtre d'une vaste transformation sociale et culturelle(...). Les cités surgissent, grands centres monumentaux à dominante cérémonielle, et avec elles des formes d'art nouvelles, inspirées et dominées par l'idéologie et le symbolisme de la classe sacerdotale. Ces arts (...) vont - et cela pendant plus de 1.500 ans - se consacrer, sinon exclusivement du moins essentiellement, à évoquer la personne et les attributs des dieux, à représenter les principes de la nature, les forces cosmiques et les astres, à retracer des scènes rituelles. L'art mexicain va ainsi devenir le serviteur de la pensée théologique, et son domaine s'identifiera pour une très large part à celui du sacré."

         Un art et un urbanisme dédiés aux dieux donc, et qui trouvèrent à TEOTIHUACAN leur source d'inspiration dans des croyances et des légendes millénaires léguées par des peuples successifs au fil des invasions et occupations de la cité. Comme en écho, certaines de ces légendes, véritablement fondatrices, sont rapportées maintenant dans les pages suivantes, après un nécessaire rappel mythologique.



         On l'a vu, la célébration du cycle de 52 ans appelée "cérémonie du feu nouveau", était pratiquée, à TEOTIHUACAN notamment, par un prêtre qui ravivait le feu sacré des dieux sur le corps d'une victime immolée afin qu'un nouveau cycle astral puisse débuter. La cérémonie trouvait son origine dans la croyance en la possible disparition du soleil, et, avec lui, de l'humanité toute entière. Cette croyance reposait elle-même sur une légende véritablement cosmogonique ; en effet, pour les Aztèques, TEOTIHUACAN était LA cité où naquirent un jour notre soleil et notre lune.

         La légende qui suit raconte ainsi qu'à l'origine des temps le monde terrestre était dans l'obscurité totale. Le plus ancien des dieux et père de ceux-ci, Huehueteotl, les convoqua tous à TEOTIHUACAN autour d'un grand feu, dans le but de (re-)créer les astres disparus. En effet, le sacrifice de deux dieux par le feu devait permettre d'accéder à la résurrection du soleil et de la lune. Par la suite, Quetzalcoatl et Tezcatlipoca, dieu noir de la nuit, des ténèbres et de l'infra-monde, créèrent les êtres humains actuels en mêlant les os d'anciens dieux morts au sang versé par d'autres dieux. Ceci se déroula juste après la (re-)naissance du "Cinquième Soleil", synonyme de dernier cycle des temps avant la fin complète du monde.

         En signe de reconnaissance et de dévotion, les hommes construisirent alors deux temples majeurs à TEOTIHUACAN, deux pyramides monumentales à la mesure de la puissance divine...

         Mais que signifiait vraiment la naissance du "Cinquième Soleil" ? A quoi correspondait-elle ?

         Il faut savoir que chacune des périodes précédentes avait été anéantie par un cataclysme.

La première ère du calendrier divinatoire, Naui Ocelotl (littéralement Quatre - Jaguar, ou soleil du Jaguar) débuta en 955 avant J.C. ; mais au bout d'une longue période de 676 ans, ce premier soleil fut finalement dévoré par les félins.
La deuxième ère, Naui Ehecatl (littéralement Quatre - Vent, ou soleil du Vent) vit le deuxième soleil emporté par la tempête, et tous les habitants de la Terre qui s'accrochaient aux arbres pour résister furent transformés en singes.
La troisième ère, Naui Quiahuitl (littéralement Quatre - Pluie, ou soleil de la Pluie) vit une pluie de feu s'abattre sur la Terre et les hommes se changer en dindons.
Au cours de l'ère suivante, Naui Atl (littéralement Quatre - Eau, ou soleil de l'Eau), le quatrième soleil fut englouti par les inondations et tous ceux qui vécurent à cette époque se transformèrent en poissons, l'eau recouvrant tout pendant 52 ans.
Le cinquième et dernier soleil, Naui Ollin (littéralement Quatre - Mouvement, Ollin symbolisant à la fois le mouvement du soleil et les secousses sismiques), est donc né à TEOTIHUACAN et sera normalement voué à une disparition brutale au cours de notre vingt-et-unième siècle !

         Revenons maintenant à la légende : "Pendant longtemps, les dieux se demandèrent comment créer un cinquième soleil qui soit meilleur et plus durable que les précédents, mais ils ne trouvaient pas. Convoqués par Huehueteotl, ils tinrent donc conseil sur la place sacrée de TEOTIHUACAN. Parmi les nombreuses idées proposées, une seule fut retenue par tous au final : l'un d'entre eux devrait se jeter dans le feu sacré pour se transformer en soleil et pour que les flammes puissent l'élever ainsi jusqu'au firmament sous la forme d'un disque rayonnant.

         Les dieux réclamèrent un volontaire.

         Teucciztecatl, seigneur des escargots, célèbre pour sa force et sa beauté, s'avança et déclara :
         - Moi, je veux bien donner la lumière au monde. Vous verrez comme ce sera magnifique !
         Mais presque tous les autres estimèrent que ce n'était pas à lui qu'il fallait confier cette mission, car il avait une mauvaise réputation de beau parleur. Pouvait-on savoir s'il tiendrait sa promesse ?
         Ne valait-il pas mieux le faire accompagner par un autre pour plus de sûreté ? Après un moment de silence, tous les regards convergèrent alors vers Nanautzin, petit dieu timide, laid et malchanceux, qui ne refusait jamais rien même quand il n'en tirait pas parti.

         Il déclara sans hésiter :
         - Pourquoi ne me jetterais-je pas dans le feu, moi, si vous le désirez ? Je serais très heureux de devenir le soleil."
         Les dieux acceptèrent sa proposition et s'attaquèrent immédiatement aux préparatifs du feu.

         De leur côté, Teucciztecatl et Nanautzin se retirèrent dans les montagnes pour y passer quatre jours de prières et de sacrifices. Puis tous deux passèrent encore quatre jours dans le temple que les autres dieux leur avaient édifié. Pendant ce temps, on continuait de préparer le feu sacré à TEOTIHUACAN. Quand vint le moment décisif, Teucciztecatl apparut revêtu d'une armure de plumes de quetzal. Nanautzin lui, portait son humble manteau de paille, et tous deux se dirigèrent vers le feu. Là les attendaient les dieux, impatients. Ils se tournèrent tous ensemble vers Teucciztecatl et lui crièrent :
         - Saute, saute dans le feu !.
         Teucciztecatl s'avança de quatre pas, mais au dernier instant tourna honteusement le dos à l'énorme brasier. Trois fois encore il abandonna tout courage et laissa sa peur le dominer.
         Les dieux se tournèrent alors vers Nanautzin :
         - Saute, toi, saute dans le feu !
         Sans une seconde d'hésitation, Nanautzin se jeta dans les flammes. Le foyer gronda, les étincelles jaillirent de tous côtés comme des fleurs de feu et l'engloutirent aussitôt. Au même instant, Teucciztecatl recouvra son courage et se jeta lui aussi dans les flammes. Alors s'établit un grand silence. Les dieux attendaient de voir se lever l'astre du jour... et virent alors Nanautzin se transformer en soleil, le cinquième soleil tant attendu.

         D'un seul coup, les rayons flamboyants de l'aurore embrasèrent la Terre entière. La clarté grandit et, dans l'est du ciel, monta bientôt pour y resplendir un disque d'or parfait dont l'étincellement éblouissait les yeux. Mais voilà que soudain se mit à luire simultanément un deuxième soleil ! C'était l'arrogant Teucciztecatl ! La colère envahit les dieux : pourquoi ce lâche brillerait-il d'une lumière aussi éclatante que celle de Nanautzin ? Non, il ne pouvait en être question ! Jamais ! Ce pleutre ne deviendrait que lune seulement, celle qui arrive toujours après le soleil. Et l'un d'eux, furieux, jeta alors un lièvre blanc à la tête de Teucciztecatl pour le châtier et diminuer son éclat. Les taches de la lune sont aujourd'hui les cicatrices de cette punition.

         Ainsi, c'est donc ce jour-là que, grâce aux dieux réunis à TEOTIHUACAN, le soleil actuel des hommes se mit à briller pour la première fois dans les cieux, et ce jour-là aussi que naquit la lune..."

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