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CONVERSATION SUR LA COLLINE RICHE DE POTOSI Juillet 2001. Je suis en Bolivie depuis quelques jours déjà. Je monte progressivement en altitude : Santa Cruz (420 m.), Sucre (2.800 m.), Tarabuco (3.600 m.) pour arriver à Potosi, l'une des villes les plus hautes au monde : 4.100 m. M'étant sottement abstenu de boire tous les matins une tasse de tisane de coca - pourtant conseillée par les locaux - le soroche (mal des hauteurs) m'a sauvagement agressé hier soir. Ses armes : tempes battantes, migraine extrême, tête-enclume, frissons et vomissements. Je paie au prix fort mon stupide entêtement : toujours ECOUTER LES AUTOCHTONES. C'est d'ailleurs ce que je vais faire demain, sans le savoir encore, quand remis sur pieds après une nuit réparatrice, j'engagerai inopinément une conversation des plus riches avec un certain Juan Roberto que je ne connais pas encore... Juan Roberto est chauffeur de car, ancien mineur, la trentaine environ. Il conduit régulièrement les touristes à travers la ville de Potosi et ses environs, et notamment jusqu'au Cerro rico (la Colline riche, Sumaj orcko en langue quechua) qui la surplombe depuis des siècles, du haut de ses 4.829 m. Justement, remontons au 16ème siècle pour nous rappeler que grâce au filon d'argent que la Couronne d'Espagne croyait inépuisable (aujourd'hui l'exploitation de l'étain a pris le relais), le Cerro rico à lui seul permettait à Potosi d'être l'une des villes les plus riches du monde, rivalisant avec la plupart des capitales européennes en termes de nombre d'habitants et de luxe dans leur train de vie, à l'exclusion, pour leur plus grand malheur, des Indiens quechuas rendus esclaves par leur statut de mineurs forcés. L'Eglise catholique n'était pas en reste : l'immensité des richesses qui lui revenaient du Cerro rico l'amenait à construire à Potosi des églises par dizaines afin d'évangéliser toujours davantage, églises encore visitables de nos jours et reflets bien vivaces de la pompeuse vie religieuse d'alors dont témoignent les ornements de métal précieux décorant leurs intérieurs.
L'empereur Charles-Quint attribua à Potosi le titre de "ville impériale" en 1553. Celle-ci adopta même l'insolente devise : "Je suis la riche Potosi, trésor du monde, reine des montagnes et convoitise des rois". Revers de la médaille argentée (mais qui s'en préoccupait à l'époque ?) : un esclavage à grande échelle des Indiens adultes, des déplacements contraints de leurs familles et près d'un million de morts dans la mine en 400 ans (éboulements, empoisonnement par le mercure, chaleur suffocante, gaz asphyxiants, mauvais traitements, exténuation...). |
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